L’impact des déplacements des réunionnais sur la pollution atmosphérique

L’impact des déplacements des réunionnais sur la pollution atmosphérique


Méthodologie de l’enquête

Le Diagnostic Energie Emissions des Mobilités (DEEM) est un outil développé par le CEREMA (1), l’IFSTTAR 2 et l’ADEME 3 qui s’appuie sur les Enquêtes Ménages Déplacements (EMD) pour estimer les consommations énergétiques, les émissions de polluants locaux et les émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements des résidents d’un Territoire. Les émissions sont calculées en s’appuyant sur le modèle européen COPERT IV.
L’outil « DEEM » vise à mieux connaitre les conséquences environnementales de nos comportements de mobilité, afin d’améliorer les politiques de déplacements et d’aménagement du territoire. Il porte sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la mobilité des habitants de l’Île de la Réunion, un jour de semaine.

L’outil DEEM de l’EDGT ne permet pas de qualifier les émissions liées au transport de marchandises car il porte sur les déplacements des particuliers. Des données issues d’autres sources sont toutefois décrites dans ce livret afin d’élargir l’analyse.

Gaz à effet de serre (GES) : Ils participent au réchauffement climatique. On parle de pollution globale. Les calculs comprennent les émissions générées par la combustion du carburant lors du fonctionnement des véhicules, et celles induites par la production et l’acheminement de l’énergie. Les différents GES pris en compte (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote) sont ramenés en masse d’équivalent-CO2.

Particules en suspension (PM) : Ces substances organiques ou minérales hétérogènes (de la suie à la nanoparticule) viennent surtout des moteurs diesel et deux-temps. Elles provoquent des irritations des voies respiratoires, provoquent des crises d’asthme, ont des effets mutagène et cancérigène, et sont un cofacteur de la bronchite chronique en cas d’exposition prolongée. Sont étudiés ici les PM10 (<10 μm).

Oxydes d’azote (NOx) : Constitués de monoxyde d’azote (NO) et de dioxyde d’azote (NO2), produits lors de la combustion incomplète des carburants, ils affectent les voies respiratoires, augmentent la fréquence et la gravité des crises d’asthme et peuvent provoquer des intoxications aiguës en cas d’exposition à des concentrations élevées. Les pots catalytiques ont permis de réduire considérablement les rejets des véhicules essence. Les véhicules diesel en rejettent encore de grandes quantités dans l’atmosphère. Les rejets augmentent avec la température des moteurs (fortes chaleurs, embouteillages).

(1) Centre d’Etudes et d’Expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement
(2) Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux
(3) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

 

Les chiffres clés


Plus de 17 millions de kilomètres parcourus quotidiennement sur l’île de la Réunion dont plus de 16 millions en modes mécanisés et collectifs

678 tonnes équivalent pétrole consommées chaque jour

2 150 tonnes équivalent CO2 chaque jour

6 tonnes d’oxydes d’azote chaque jour

195 kg de particules fines chaque jour

Les émissions atmosphériques sur l'île de la Réunion

Qu’il s’agisse des déplacements de personnes ou de marchandises, le secteur des transports est un des principaux contributeurs aux émissions polluantes : gaz à effet de serre, oxydes d’azote, particules en suspension, etc.

Un enjeu climatique : Les émissions de CO2 représentent annuellement plus de 4 millions de tonnes (source : CITEPA 1 ). Le secteur routier est le second secteur d’activité le plus émetteur après celui de la transformation de l’énergie, il représente 34 % des émissions totales.

Un enjeu sanitaire : La mauvaise qualité de l’air, en grande partie imputable aux transports, est à l’origine de plus de 45 800 décès prématurés en France métropolitaine en 2014 (rapport 2017 de l’Agence européenne de l’environnement (AEE)). C’est dix fois plus que les accidents de la route. Parmi ces polluants on retrouve : les oxydes d’azote et les particules fines. Le transport routier est le principal secteur d’émission d’oxyde d’azote sur l’île de la Réunion avec plus de 44 % des émissions totales.

CO2 Augmentation d'un rapport 2 plus depuis 1990

NOx baisse de 30% depuis 1990

Les objectifs nationaux et régionaux portent sur la réduction des émissions de GES. À l’échelle nationale, l’objectif dit « facteur 4 » prévoit de diviser par 4 les émissions de GES entre 1990 et 2050. À l’échelle régionale, le SRCAE 2 (2013) vise une réduction de 10% des émissions de GES en 2020 par rapport à 2011.
 

(2) Schéma Régional Climat Air Energie

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Le parc roulant de l’île de la Réunion

Le taux de motorisation des ménages est de 1,08 véhicule /ménage. Il varie entre 0,98 (CINOR) et 1,18 (TCO). Le parc roulant de l’île de la Réunion est composé de plus de 324 000 véhicules (source : EDGT) dont 72 % sont utilisés
quotidiennement.

Motorisation des ménages : carte du taux de motorisation des ménages

Un parc très majoritairement diesel

Sur plus de 324 000 véhicules en circulation à l’échelle régionale, près des deux tiers (65 %) utilisent du diesel. Cette part est un peu moins importante que la moyenne nationale (69 %). La part de l’essence sans plomb est supérieure (33 % contre 29 % pour l’ensemble de la France).

Les véhicules au gaz, électriques et hybrides représentent à peine 1 % du parc automobile, soit une percée des énergies alternatives plus limitée qu’en métropole.

21 % des véhicules en circulation ont une puissance fiscale égale ou supérieure à 7 CV ou plus, contre 31 % pour la France entière.

L’année de mise en service d’un véhicule est un facteur déterminant de ses émissions atmosphériques. À La Réunion, 38 % des véhicules ont été mis en circulation en 2010 ou après, 58 % sont antérieurs à 2010. Instaurées en 1988, les normes européennes « Euro » réglementent les émissions de polluants atmosphériques des moteurs à essence, diesels ou GPL. Elles visent à réduire la pollution engendrée par le transport routier et ainsi à améliorer la qualité de l’air des zones de fortes circulations. Ces normes se succèdent régulièrement et sont de plus en plus restrictives.

Un véhicule Euro6 (norme en vigueur depuis 2015) diesel émettra près de 85 % de NOx de moins qu’un véhicule Euro3, et 60 % pour un véhicule essence. Le durcissement des normes et le renouvellement du parc roulant expliquent la forte diminution des émissions de NOx au niveau régional. Cette diminution est toutefois fortement atténuée par l’augmentation du trafic (~ 1.5 % par 30% an).

Motorisation des ménages : répartition des voiture selon le type d'énergie

Motorisation des ménages : répartition des voiture selon l'âge

Les émissions et la consommation d’énergie au quotidien

  Par jour Par personne et par jour Par déplacements tous modes confondus
Emission de GES 2 160 t eq CO 2 2,6 kg eq CO 2 846 g eq CO 2
Emission de NOx 6 086 kg 7,4 g 2,4 g
Emission de PM10 196 kg 0,24 g 0,077 g
Consommation d'énergie 680 t eq pétrole 823 g eq pétrole 266 g eq pétrole

 

Depuis 2013, toutes les Enquêtes Ménages Déplacements au standard CEREMA sont enrichies des consommations énergétiques et des émissions de polluants. Les indicateurs ci-dessous peuvent ainsi être comparés à ceux calculés sur d’autres territoires.

Ils concernent les déplacements internes au territoire enquêté et sont rapportés à l’ensemble des habitants. La comparaison montre que les déplacements réalisés par les habitants de La Réunion sont moins consommateurs d’énergie et moins émetteurs de polluants atmosphériques que la moyenne. C’est particulièrement le cas des émissions de particules (PM10). Ceci peut s’expliquer par le fait qu’à La Réunion, la part modale de la voiture est  inférieure à celle mesurée dans d’autres enquêtes. La part de véhicules diesel, inférieure elle aussi à la moyenne nationale, peut être un autre élément d’explication.

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Impact environnemental : Impact selon les secteurs de résidence

Émission de polluant par jour selon le secteur de résidence

Impact environnemental : Impact par personne selon les secteurs de résidence

Émission de polluant par jour et par personne selon le secteur de résidence

Si ce sont les zones les plus denses (zones littorales) qui génèrent quotidiennement le plus d’émission de GES, ce sont les habitants des mi-pentes et des hauts qui individuellement pèsent le plus lourd dans les émissions de GES.

En effet, les habitants des hauts parcourent chaque jour plus de kilomètres que ceux des bas (32 km contre 24 km).

 

Les émissions selon les modes

La voiture est le principal mode consommateur d’énergie et contributeur de pollution, dans des proportions qui dépassent la place qu’elle occupe dans les déplacements.

En effet, la voiture représente 66 % des déplacements effectués et 85 % des kilomètres parcourues, alors qu’elle consomme 92 % de l’énergie consacrée à l’ensemble des déplacements et qu’elle génère 92 % des émissions de GES.
Au contraire, les transports collectifs représentent 6 % des émissions de GES pour 9 % des kilomètres parcourus.

Impact environnemental : répartition selon le mode

Émissions par voyageur*km des différents modes

Tous modes confondus, un kilomètre de déplacement conduit à une émission de 111g eqCO 2 , il y a cependant de fortes disparités selon le mode. Par convention, la méthode DEEM attribue la totalité des émissions au conducteur de la voiture sans tenir compte de son taux de remplissage, alors qu’elle tient compte d’un taux de remplissage moyen pour les émissions des transports collectifs urbains et interurbains.

Afin d’avoir des données comparables, un coefficient est appliqué aux émissions pour la voiture : il correspond au taux de remplissage1 des voitures mesuré par l’EDGT, soit 1,45 personne par voiture.

Si l’on compare les différents modes selon leurs émissions de GES au voyageur*kilomètre parcouru, on s’aperçoit que la voiture, mode le plus fréquemment utilisé, est aussi de loin le plus émetteur.

Un déplacement d’une personne sur 1 km conduit à une émission de 136 g en eqCO2. Le même déplacement en transport collectif n’émettra que 90 g.

Les transports collectifs apparaissent comme le mode le plus émetteur d’oxydes d’azote (NOX),  deux fois plus que les transports en voiture.

Un constat similaire a été fait sur l’EDGT du Calvados. Les bus et les poids lourds sont plus émetteurs que les véhicules particuliers, même ramené à un nombre de personnes par véhicule.

Impact environnemental : Emissions par voyageur*km selon les mode

La temporalité des émissions de GES

Les émissions de GES sont liées aux déplacements utilisant de l’énergie fossile : transport en modes mécanisés (voiture, fourgon, deux-roues motorisés) et transports collectifs. Le premier graphique ci-contre est issu des résultats de l’EDGT, à partir du nombre de déplacements réalisés par les habitants enquêtés. Il montre que les émissions de CO 2 connaissent deux pics : 7h-9h et 18h-21h. Les périodes de pointe des déplacements sont un peu plus tôt,  6h30-8h30 et 14h30-17h30. Ce décalage est du à la dynamique des masses d’air et au temps entre l’émission au niveau du pot d’échappement et la mesure au niveau de la station de mesure.

Le second graphique, établi par ATMO Réunion, correspond aux mesures réalisées par la station Chaussée Royale à Saint-Paul. Il confirme ces pics.

Impact environnemental : Évolution des émissions au cours de la journée

Profil journalier de l’évolution des concentrations de polluants atmosphériques en proximité du trafic automobile sur la station Chaussée Royale à Saint-Paul (calculé à partir des moyennes horaires 2016)

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Les émissions selon les motifs de déplacements

Les déplacements liés au travail sont les contributeurs majoritaires avec plus de 40 % des émissions de GES. Si les déplacements liés à ce motif ne représentent que 19 % des déplacements, ils représentent 31 % des kilomètres parcourus.

Les déplacements « Ecoles et Etudes » représentent 16 % des déplacements. Majoritairement réalisés en modes doux ou en transports collectifs (à près de 65 %) et aussi plus courts, ils ne représentent que 5 % des émissions de GES.

Impact environnemental : répartition selon le motif

Un enjeu sur les déplacements longs

Les déplacements en voiture représentent 92 % des émissions de GES pour 85 % de l’ensemble des kilomètres parcourus.

Les déplacements de courte distance (inférieurs à 2,5 km) constituent un levier important en terme de report modal.  Ils représentent 48,5 % de l’ensemble des déplacements réalisés quotidiennement mais moins de 8 % des kilomètres parcourus et 6,7 % des émissions de GES.

En termes d’’impact environnemental, ce sont les déplacements de longue distance, en particulier ceux de 10 km et plus, sur lesquels il faut se pencher. ces déplacements représentent moins de 20 % des déplacements totaux mais 66% des émissions de GES :

  • Entre 10 et 25 km : 13,6 % des déplacements pour 31,6 % des émissions de GES. Ces déplacements restent pour 72 % internes à une même intercommunalité,
  • Entre 25 et 50 km : 4 % des déplacements pour 20 % des émissions de GES. Ces déplacements sont majoritairement (77 %) des déplacements entre deux intercommunalités différentes,
  • Plus de 50 km : 1,5 % des déplacements pour 14,4 % des émissions de GES. Tous ces déplacements sont des déplacements externes à l’intercommunalité d’origine.

 

Impact environnemental : Emission selon la classe de longueur du déplacement

Ce qu’il faut en retenir

Les transports routiers sont à l’origine de 34 % des émissions de CO 2 et de 44 % des émissions de Nox. Avec un parc automobile de 324 000 véhicules, composé à 65 % de véhicules diesel et à 58 % de véhicules de plus de 7 ans, la voiture est le principal consommateur d’énergie et le principal émetteur de polluants, dans des proportions supérieures à sa part dans les déplacements.

Les émissions produites pour chaque kilomètre parcouru (111 g eqCO 2 ) varient de 90 g eqCO 2 pour les transports collectifs à 136 g eqCO 2 pour la voiture. Les émissions varient au fil de la journée, avec un léger décalage  temporel par rapport aux flux de déplacements.

Les déplacements liés au travail génèrent 40 % des émissions de GES. Les déplacements de 10 km ou plus constituent aussi un enjeu : ils représentent moins de 20% des déplacements mais 66 % des émissions de GES.

A noter enfin que la consommation d’énergie et les émissions de polluants ne sont pas les seuls impacts environnementaux des déplacements (mais l’EDGT ne comporte des données que sur ces deux aspects). Ceux-ci ont aussi des impacts sur les sols, le climat, le réseau hydrographique, la consommation d’espace et la fragmentation du foncier, sur le bruit, sur la biodiversité, etc.